Méert: dans les secrets de la plus vieille pâtisserie du monde
Le rendez-vous est pris. Midi, rue Esquermoise, à la maison Méert. Nous voulions voir l’envers du décor et les cuisines. Nous avons eu bien plus que cela : un voyage dans le temps, où la «petite histoire» d’une pâtisserie lilloise rejoint la grande histoire.
Notre guide et historien des lieux, Paul-Henri Guermonprez, nous amène au sous-sol. Surprise: une pièce où sont archivés tous les objets relatant le passé sucré de Méert.
«C’est l’office, je ne veux pas appeler ça un musée car ça serait prétentieux.» Cette collection s’enrichit au fil du temps. La moitié des éléments étaient déjà chez Méert, mais pas obligatoirement ici.
L’idée? Tout regrouper, organiser, mettre en avant «pour que les gens qui viennent ici comprennent d’où nous venons et où nous avons envie d’aller».


Un thé Méert pour Buffalo Bill
Avec notamment l’aide d’anciens employés ou de personnes dont les parents ou grands-parents avaient tout conservé. Par exemple Rachel.S, 25 ans de maison, quatrième génération. C’est elle qui apprend à M. Guermonprez que Buffalo Bill venait chez Méert.
«Monsieur Paul, j’ai quelque chose pour vous». Une enveloppe, 32 cartes postales du Wild West Show qui passait par Lille. Des cochers, une douzaine de chevaux. Et la commande du thé de Buffalo Bill. Ce mélange spécial est toujours commercialisé par la maison Méert sous le nom du mélange des Pionniers.
Dans cette office, un paradis du gourmand: pas moins de 5 000 moules pour chocolats, quasiment tous du signe de la maison. Des classiques, et bien sûr des saisonniers : Pâques, Noël, ou la Saint-Nicolas.
Egalement des moules à kougelhopf, des machines à nettoyer l’argenterie («il n’y a que les Anglais pour faire des choses pareilles»). Puis, des moules à spéculoos, bien sûr.


Des gaufres, de génération en génération
Des fers à gaufres anciens, donnés ou acquis lors de ventes aux enchères. Parmi ceux-là, toute la collection de fers d’André Breton et ceux du plasticien Jean Benoît. Puis des fers à gaufres marqués Méert, évidemment.
Si ces pièces familiales ont été conservées jusqu’ici, c’est grâce à leur symbolique. Traditionnellement, pour célébrer les mariages, le forgeron était mis à contribution. On lui passait commande d’un fer avec les initiales et la date de l’union. Puis, pour chaque fête carillonnée, le fer à gaufre sur mesure était réutilisé. D’où cette transmission de génération en génération.

Les gaufres Méert sont encore faites à Lille
Encore rue Esquermoise, dans un des sept laboratoires. On y accède après avoir zigzagué dans les couloirs. 3 500m² de superficie et autant d’occasion de se perdre pour le novice.
M. Guermonprez salue, discute, encourage. «Bonjour Jocelyn, j’ai vu votre maman tout à l’heure!». Il échange avec Thierry Landron, le gérant de la maison Méert.
Dans une pièce carrelée moderne, différents postes. Une machine pour diviser les pâtons de manière très précise. On imaginait une plaque qui permettait de faire 10 ou 20 gaufres en un seul geste. Il n’en est rien.
Les fers. Individuels. Chaque gaufre Méert est donc encore faite à la main, en prenant le temps nécessaire à la perfection.
Puis, elle est passée à l’emporte-pièce pour un travail d’orfèvre, de précision. «Il faut que ça soit totalement fondant, que tout s’oublie, vous voyez.»
La classique, l’indétrônable, c’est la gaufre vanille. Les grains des gousses généreusement mélangés à un beurre sucré. «Nous en avons fait des minis mais les gens en mangent trois au lieu d’une»
L’iconographie de la maison Méert reste maîtrisée, très forte. «Nous avons énormément de choses qui ont été faites avec Pierre Le-Tan, qui était notre vieux complice. Un génie. Et le plus grand chineur qui soit, il savait tout»

Méert, la plus vieille maison du monde
Retour à l’office. Là, des carreaux Westhoek, témoins de l’histoire des Flandres et de Méert à la fois.
On y retrouve les armoiries, la fleur de lys. Le blason qui date d’avant le Portugal. M. Guermonprez poursuit :
«La maison Méert, c’est la plus vieille pâtisserie au monde, nous parlons de 1677, c’est à dire la date où nous devenons boulanger – pâtissier. Nous n’avons jamais été les deux mais il fallait se nommer boulanger pour que les magistrats lillois et les corporations vous autorisent.
Ici, nous étions confiseur et apothicaire dès 1607, c’est donc la plus vieille maison au monde. Et tout ça, nous ne le savions pas au départ, nous le découvrons petit à petit.»
La prochaine fois que vous voulez remonter le temps, vous savez donc ce qu’il vous reste à faire.

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